Dans le calendrier traditionnel au Fouta Djallon, toutes les périodes ne sont pas propices au mariage. Les deux périodes qui y sont particulièrement favorables sont le mois d’avant le ramadan et celui d’avant l’aïd el kébir. En font foi les interminables cortèges nuptiaux et la valse de passage devant l’officier de l’état civil. Des mariages se célèbrent certes et à la même fréquence des divorces éclatent.
Mais sait-on toujours quelle est la racine du mal ?
Pour en sonder la profondeur, une liste a été concoctée certes pas exhaustive, mais assez concrète pour éclairer la lanterne publique sur une situation qui inquiète : le divorce .
#1 Le mariage précoce :
Dont le Fouta Djallon détient le triste record est l’une des causes les plus actuelles et des plus factuelles du divorce. Ici, on est emmené à voir des jeunes filles à peine nubiles à qui, il est imposé des unions parfois sans lendemain avec des inconnus. Des unions basées sur les caprices d’un membre influent de la famille ou encore sur de simples engagements de membres des deux familles désireux de perpétuer leur amitié sans prendre en compte l’avis des futurs époux dans la plupart des cas : la fille. Ce phénomène est lourd de conséquences et peut conduire à : L’Abandon scolaire, l’avortement, les fausses couches et les fistules obstétricales entre autres.
#2Le mariage forcé :
Dans ce cas de figure ,un homme est attiré par une jeune fille qu’il voudrait épouser mais sa chance est limité par un prétendant plus aimé de la fille. Alors ,il cherche et corrompt le maillon faible de la famille en le couvrant de cadeaux afin qu’il défende sa cause près siens . Ce maillon faible peut être un oncle, une tante, un frère etc.
Les conséquences d’une telle situation peuvent être : la dépression ,l’infidélité, le divorce et dans le pire des cas, le crime passionnel ,sans compter le délitement familial si le mariage se termine en échec.
#3 Le mariage par colis :
C’est l’une des pires formes de mariage ,car ici les époux ne se connaissaient pas et n’ont parfois aucun lien, souvent dans ces cas ,les futurs époux sont distants l’un de l’autre .Et dans l’absolue majorité des cas, l’homme est en ville dans l’espoir d’un meilleur lendemain .
A l’occasion du mariage d’un membre de sa classe d’âge célébré au village, sa famille décide de lui trouver une femme car pour elle , c’est un affront que ses amis se marient avant lui .
Alors la famille se réunit en conseil restreint et cible dans le tas une jeune fille qu’elle réussit à convaincre de convoler. Dans ce cas, la cérémonie est sobre , il n’y a que la dot et quelques cadeaux qui sont faits à l’épouse. Et séance tenante, des personnes sont désignées pour conduire la nouvelle mariée chez son mari.
Au mari, la surprise est réservée surtout s’il est connu pour avoir plusieurs fois esquivé la question du mariage . Dans l’esprit des ruraux tous ceux qui vivent en ville sont aisés et c’est en découvrant la réalité en accompagnant ‘’ l’épouse circonstancielle’’ que certains parents parviennent à sonder l’immensité de l’erreur que la famille a commise en unissant des êtres qui ne le demandaient pas et dont la vie sera désormais une série d’épreuves, surtout si le jeune homme est au crochet de tiers.
#4 Le mariage endogamique :
Très souvent, avant qu’une fille ne soit donnée en mariage à une personne étrangère ou à son cercle familial, sa famille s’assure qu’aucun de ses cousins proches ou lointains n’est intéressé car s’ils le sont , le droit de ‘’préemption’’ leur est accordé en vertu des liens familiaux.
#5 Le lévirat :
Traditionnellement, la femme qui perd son époux est considéré comme un élément de l’héritage et donné à un des frères du défunt. Cette pratique a toutefois fait tellement de ravages notamment dans la propagation de maladies vénériennes que son interdiction est effective dans bien de localités de façon tacite ou explicite.
#6 Le sororat :
C’est le phénomène opposé du précédent , ici c’est la jeune sœur qui remplace son ainée chez le même homme après décès de cette dernière et les conséquences sont les mêmes qu’au niveau du lévirat.
Si Lévirat et sororat dans la pratique présentent des conséquences fâcheuses sur la santé humaine ,au plan social les deux phénomènes visaient un équilibre familial et social car les enfants qui naissent de ces situations de deux frères ou de deux sœurs sont considérés comme ayant le même sang.
#7 Le viol :
De nos jours, c’est un phénomène très répandu dans la région et la plupart des victimes sont des mineures dont le suivi psychologique n’est ensuite pas assuré comme il se doit. Les victimes grandissent dans un complexe d’infériorité et pire sont pointés du doigt alors que c’est l’hypocrisie sociale qui se met souvent en branle pour éviter à l’agent causal du crime de passer sous le rouleau compresseur de la justice. Là aussi ,les conséquences sont énormes et innombrables parmi lesquelles : frigidité, phobie du contact sexuel, suicide, dépression ,folie et parfois même difficulté de trouver un mari dans la zone etc.
#8 L’appât du gain :
Bien de filles convolent aujourd’hui en noces pour se constituer un certain nombre de biens . Inspirée par le mariage d’une connaissance, la fille en instance de mariage nourrit le dessein d’éclipser telle fille dont les noces sont restées dans les mémoires. Alors, elle multiplie les initiatives pour gonfler les dépenses nuptiales et si le prétendant n’y prend garde ,soucieux de faire bonne figure, il y engloutit toute sa fortune au point que les jours d’après faire face aux dépenses de la famille pose un problème. Et si le train de vie escompté n’est pas celui réel,
la belle a vite fait de multiplier les offenses pour se faire virer en attendant de mettre la main sur un autre morceau plus nanti.
A noter qu’au nom de la tradition et par le fait de certains conservateurs peu enclins aux avancées sociales et malheureusement présents dans chaque famille presque, les filles sont souvent reléguées au rang de bétail dont l’avis compte peu ou pas du tout dans la conclusion des mariages, ce qui est d’une gravité sans nom et un facteur propagateur des divorces dans une société comme la nôtre .
Ousmane Tkillah Tounkara