
Depuis l’avènement de l’Islam, le voile est considéré comme un habit qui maintient la pudeur et l’aura féminines. Il est l’identité même de la femme. Chez les peuls de Guinée par exemple, les femmes sont appelées « souddiibhè » (celles qui sont voilées dans le sens pudique du terme) puisque dans tout rassemblement, elles se distinguent des hommes par leur mise et leur discrétion grand-voile. Cependant, ces dernières années, le voile a presque disparu de nos établissements scolaires.
Les chefs d’établissement, au-delà du voile interdisent même le simple foulard. Cela constitue un handicap majeur pour les élèves qui ont grandi dans des endroits à forte influence islamique. Eu égard à cela, les élèves du collège de proximité de Bâdy, district situé dans la commune rurale de Tangaly, préfecture de Tougué dont il se situe à 30 km, désapprouvent cette interdiction.
L’origine du voile
L’origine du voile paraît confuse car chrétiens et musulmans le portent. Selon le savant Iranien Allamé Tabataba’i, le voile a une origine juive du fait que chez les juifs anciens, les femmes de la cour royale portaient le voile pour se distinguer des autres femmes esclaves ou celles du bas-peuple. Cela était une marque de pudeur. En Arabie, le voile existait dans la période antéislamique (jahilia) et l’avènement de l’islam a rendu obligatoire son port.
Le voile en islam obligation ou option ?
En islam, la question du voile ne se situe pas au niveau du port mais sur le type de voile à porter car il existe deux types : le voile intégral (niqab) qui recouvre tout le corps et le voile simple (hijab) qui laisse à découvert le visage et les mains voire les pieds.
Que ce soit l’un ou l’autre, il faudra que le corps voilé ne soit pas découvert de quelque façon que ce soit : même par la forme. Tous ces types sont soutenus par la jurisprudence Islamique et chaque école à une référence coranique et de la sunnah prophétique. Les malikites préfèrent le hijab, les disciples d’Abdoul Wahhab, le niqab et quant aux chiites, ils préfèrent le hijab à condition que la partie découverte ne soit pas enjolivée. Mais nulle école jurisprudentielle ne fait du port du voile un simple vœu.

« Dans les villes, on ferme les yeux sur les mèches et les jupes »
Les directions des écoles sont remplies de mouchoirs de tête, de foulards, de voiles modernes et autres tissus qui servent à recouvrir la tête des jeunes filles. Bloqués dans la cour de l’école ou dans les salles de classe…cela ne reste pas sans offusquer certains observateurs.
A la demande de savoir pourquoi le voile est interdit dans les écoles surtout laïques, le principal du collège de Bâdy révèle : « il n’y a pas de textes spécifiques qui interdisent le voile. Mais, c’est la laïcité qui l’interdit.» argue-t-il.
Un argument que Madame Kadiatou Baldé, professeure de Français de ladite école, ne partage pas. Car s’écrie-t-elle : « La laïcité permet à chacun de pratiquer sa religion. Le voile, ajoute-t-elle, n’est qu’une marque de pudeur. Dans les villes, on ferme les yeux sur les mèches et les mini-jupes que portent les élèves et on interdit le voile. On favorise la débauche », conclut-elle très remontée.
La laïcité par définition est la tolérance religieuse qui permet une cohabitation pacifique entre adeptes de cultes différents, dans la constitution guinéenne, la laïcité est même l’une des intangibilités .

Ôter le voile, n’est-il pas synonyme d’obstruer à la pratique de la religion ? N’y a-t-il pas de signes distinctifs d’autres religions que portent certains élèves sans inquiétude aucune d’une quelconque autorité scolaire ? Je répondrai par l’affirmative. Puisque le pendentif à crucifix au cou des chrétiens n’est pas une menace à la laïcité. Cela est vrai, ce n’est pas une menace car la tolérance religieuse est le propre de la laïcité. Comment se fait-il alors que le voile soit un obstacle à cette même laïcité ? Une interrogation qui mérite d’être répondue par les autorités éducatives de la Guinée.
« Il est inadmissible, qu’on interdise le voile à une musulmane »
Le district de Bâdy dans la préfecture de Tougué regorge d’un bon nombre d’écoles coraniques. Les enfants qui y sont inscrits, viennent d’endroits divers pour leurs études coraniques. Les maîtres coraniques inscrivent parallèlement leurs disciples à l’école d’enseignement général pour qu’ils puissent allier tradition et modernité. Surtout pas question de toucher à la morale religieuse.
Houssainatou Baldé, élève en classe de troisième ce qui correspond à la 10ème année chez nous et porte-parole des élèves, est l’une des plus grande victimes de l’interdiction du voile. Depuis sa tendre enfance, elle ne s’en est jamais séparée. Elle a plusieurs fois eu maille à partir avec l’autorité scolaire surtout dans les situations d’inspection.
« Il est inadmissible, qu’on interdise le voile à une musulmane et d’ailleurs J’ai failli abandonner mes études à cause de mon voile » explique-t-elle indignée.
Thierno Oumou Diallo, autre fille-élève, par peur d’être renvoyée de l’établissement porte le voile jusque derrière la cour de l’école. Sans le voile, insiste-t-elle, sa tête lui fait excessivement mal. Un argument brandit par la majorité des filles de la classe. Des condisciples garçons, comme Mamadou Aliou Baldé, déplorent cette interdiction en la qualifiant d’acte irresponsable de la part du gouvernement et d’une faiblesse inexplicable des autorités religieuses. Ces élèves se sont donc réunis pour mettre fin à cette interdiction immorale qui touche l’âme de toute une religion.
Le gouvernement doit agir et le silence mérite d’être rompu
L’heure est à la responsabilité du gouvernement, à l’engagement des organismes de droits humains et à l’action des autorités religieuses pour mettre fin à cette interdiction ignoble qui consiste à ôter l’identité cultuelle, la pudeur féminine et la morale religieuse. Ce silence mérite d’être rompu.
Même si, il faut le reconnaître, certaines filles prennent le voile comme un vêtement de mode promoteur de la débauche, d’autres, lui donnent tout son sens religieux et veulent étudier dans ces écoles laïques en portant les valeurs de leurs traditions.
Bien de filles ont été contraintes à l’abandon scolaire pour une simple question de voile. Pourtant, les écoles devraient accepter les apprenants dans leur différence culturelle et religieuse sans aucune distinction.
La promotion de la scolarisation de la jeune fille ne marchera que quand on tient compte de chaque détail qui lui permettra de poursuivre ses études à bon escient et non des facteurs qui pousseront à l’abandon ou à la déperdition scolaire.
Abdoul Baldé
Merci mon cher pour cet article bien fouillé. En Guinée les musulmans sont très faible. Avec plus de 80% de musulmans, a défaut d’une république islamique, la question du port du voile pour les personnes qui le désirent ne doit pas se poser.